• Le Tonlé Sapgrande rivière d’eau douce en khmer – est constitué d’un lac, le plus grand d’Asie du Sud-Est et d’une rivière, celle-là même qui traverse la ville de Siem Reap. Le Tonlé Sap fait vivre des milliers de Cambodgiens grâce à la pèche et la riziculture. Durant la saison des pluies, la taille du lac augmente considérablement et les villageois s’accommodent des caprices de la nature en construisant leurs villages sur pilotis, les villages flottants. Durant la saison sèche, le Tonlé Sap réduit fortement, offrant des sols fertiles pour la culture du riz. Les villageois se rapprochent des berges en y construisant des maisons éphémères avant le retour des grandes eaux. 

    De Siem Reap, trois villages flottants peuvent être visités : Chong Kneas, le plus près et donc indéniablement le plus touristique, Kompong Phluk, à mi-chemin, et Kompong Khleang, le plus éloigné.

    Accompagnée d’Isaure, une française établie à Bangkok pour ses études, nous avons opté pour Kompong Phluk, afin d’éviter la masse touristique, dernière vague de Barangs avant le début de la saison sèche. Le rendez-vous est établit à 9 heures et l’air se veut encore mielleux. Nous quittons Siem Reap en tuk-tuk et traversons la campagne cambodgienne, verte et jaunie. Aux champs desséchés au sein desquels quelques vaches maigres tentent désespérément de trouver quelques brins d’herbe encore frais s’ajoutent des palmiers longilignes surveillant l’horizon. La route est régulièrement bordée de végétation offrant de l’ombre aux marchands isolés de la nationale 6. Le bitume fait vite place aux routes terreuses et rouges, la poussière soulevée recouvrant les arbres et les habitations d’une fine couche cuivrée offrant un paysage figé dans le bronze.

    Après une quarantaine de minutes à rouler à travers nulle part, nous arrivons à un check-point, lieu d’achat des tickets de bateau. On nous explique qu’à la saison des pluies, les berges du lac atteignent cet endroit. La saison sèche ayant déjà grignoté les flots du Tonlé Sap, nous continuons notre route en « tuk-tuk tout terrain » sur un petit chemin défoncé. Nous longeons le lit d’une rivière, dont seules quelques gouilles permettent de faire vivre un microcosme de mouches, libellules et autres insectes. Un ruisseau apparait enfin, s’élargissant de plus en plus jusqu’à notre point d’arrivée. Là, quelques bus touristiques fondent au soleil et des hommes attendent à l’ombre d’une cabane en jouant aux cartes. A côtés d’eux, un troupeau de barques aux couleurs délavées attendent en bringuebalant au rythme des vaguelettes dorées.

    Village flottant de Kompong Pluk

    Village flottant de Kompong Pluk

    Nous embarquons dans une barque, seules, avec un jeune homme ne parlant pas l’anglais. L’endroit est désert, presqu’aucun touriste ne sillonne le village, à notre plus grand plaisir. Le moteur de l’embarcation rugit puis se calme un peu, nous voilà entrés dans le village flottant. Le lac, immergeant d’habitude la totalité des terres alentour n’est alors qu’un long serpent rubigineux, se faufilant entre les maisons, surélevées par de longs pilotis, semblables à des échassiers. La plupart des habitations culminent à environ 4 mètres de hauteur, offrant une vision impressionnante du village. Des hommes réparent la coque de leurs barques et les femmes vident et cuisinent les poissons tandis que des enfants courent nus entres les maisons, certains aidant aussi leurs parents à trier le poisson ou réparer un filet de pêche. Notre embarcation suit lentement le cours du Tonlé Sap pour se perdre au milieu d’une forêt d’arbres cagneux et longilignes. Un virage à droite nous fait débouler sur le lac, immense et brillant, sous un soleil humide. Nous troquons notre bateau à moteur contre une petite barque dirigée à la rame par une femme. Assises en tailleur sur une paillasse, nous glissons sur le lac, baigné de lumière et de calme. Nous nous approchons des parcs piscicoles, au-dessus desquels des centaines d’hirondelles virevoltent, excitées par l’odeur prenante du poisson. Le paysage est grandiose. Le lac s’étend jusqu’à l’horizon, paré d’or et d’émeraude, se mêlant au ciel. Le silence s’enfuit parfois au profit de quelques bruits d’ailes de libellules et d’oiseaux.

    Le retour se fait tranquillement. Nous croisons un groupe d’enfants se baignant joyeusement dans les eaux tièdes de ce Tonlé Sap sibyllin. Le lac redevient rivière, la rivière ruisseau, puis plus rien. Un dernier regard sur ces terres dorées nées de la fuite de l’eau. Le tuk-tuk nous ramène à Siem Reap.

     

    Sur les flots du Tonlé Sap

    Enfants se baignant dans le Tonlé Sap 

     

     

    A SUIVRE... 


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  • Après avoir parcouru 10 000 kilomètres, transité par 5 pays différents et essuyé 36 heures de voyage en voiture, en avion, en minibus et en taxi, me voilà (enfin !) arrivée à Siem Reap.

    Dès les premiers regards, le dépaysement est total. Aux routes de terre rouge les marchands s’harmonisent, foisonnant le long des rues sous des petites cabanes faites de bric et de broc, vendant bouteilles d’eau, d’essence, noix de coco, cigarettes ou plats traditionnels. Les chiens dodelinent entre les bécanes, les tuk-tuk et les 4X4, tous plus kamikazes les uns que les autres (comme s’ils attendaient le dernier moment pour traverser la route). Il y a du monde de partout. Des enfants courent et s’amusent dans les rues, tantôt footeux, tantôt nageurs, plongeant gaiement dans la rivière verte et lisse traversant de parts et d’autres la ville.

    La ville elle-même est faite d’un patchwork de villages, chacun étant concentré autour d’une pagode de laquelle ils tiennent leur nom. Le centre-ville, modeste en taille, est trilatéral. Il se compose d’un marché couvert – caverne d’Ali Baba – mêlant épices, bijoux traditionnels, viandes et poissons, fruits tropicaux, kramas, ventilateurs, statuettes bouddhiques et autres souvenirs pour barangs (expression désignant les Blancs). Formant un angle avec ce souk asiatique, Pub Street est la rue branchée de la ville : clubs et touristes constituent le quartier. De nombreuses ruelles étroites, parallèles à cette dernière, offrent des balades calmes et aérées au sein de cette fourmilière humaine.

     

    Sausadaï Bang ! (24 février 2015)

    Centre-ville de Siem Reap

    Touristes, expats et khmers s’entremêlent et se croisent dans le brouhaha et la poussière de Siemp Reap. La chaleur, humide et prenante, se veut plus sensuelle une fois le soir venu. Les odeurs se mêlent et se démêlent : boisées en bord de rivière, sucrées et douces près des vendeurs de fruits ou d’encens, âcres et puissantes sur les étales de viande auxquelles s’ajoutent le ballet vorace des mouches. De grandes avenues parsemées d’hôtels traversent la ville, et la jungle routière se voit escortée par des arches de guirlandes lumineuses représentant grossièrement les temples d’Angkor. Impossible de ne pas remarquer l’imposante expansion tentaculaire du réseau électrique de la ville : des dizaines de kilomètres de câbles noirs transitent de maisons en maisons ajoutant au décor urbain un capharnaüm presque organisé.

    Je commence peu à peu à me repérer dans le dédale poudreux des rues de la ville, les voyages d’un point à l’autre s’effectuant surtout en moto dop ou en tuk-tuk. Il est plaisant de se perdre et de flâner, sirotant un café glacé ou autre fruit shake (mélange de fruits, glaçons et lait concentré).

    Le week-end dernier, je me suis rendue à Anlong Veng, un village situé à l’extrémité nord du Cambodge, à deux pas de la Thaïlande. Accompagnant Romain et ses amis, nous avons rejoint deux de leurs acolytes travaillant pour la Croix-Rouge, installés là-bas depuis plusieurs mois. Le village est tristement connu du fait que l’un des proches de Pol Pot, Ta Mok, s’y soit retranché à la chute des Khmers Rouges, s’enrichissant du trafic de bois avec la Thaïlande. Sa maison borde un lac artificiel, folie démesurée de l’homme dit cruel et cupide. Ce lac immense est jonché d’un cimetière d’arbres calcinés, droits et charbonneux, comme pour témoigner du passé sinistre du pays. Isolés dans la campagne cambodgienne, nous avons mangé côte à côte avec les khmers ; poulet grillé, riz gluant, bouillon de tripes, abats de canards et légumes remplissaient nos assiettes que l’on accompagnait d’Angkor Beer. Une vielle sono braillait quelques chansons occidentales, entrecoupées de tubes cambodgiens. Nous avons dansé et rit malgré la barrière de la langue. J’ai rencontré Poo (comprendre oncle, terme respectueux pour désigner une personne d’un certain âge), un drôle de personnage. Ne parlant pas l’anglais et moi baragouinant seulement quelques mots en khmer, nous avons tâché de se comprendre avec des gestes et onomatopées. Le lendemain, après un petit déjeuner fait d’un bouillon de nouilles et de poulet, nous sommes rentrés sur Siem Reap, non sans quelques frayeurs, dans un taxi possédant le volant à droite !

    Je commence à prendre mes marques ici et j’essaye tant bien que mal de retenir le vocabulaire de base de la langue locale – Sausadaï Bang (Bonjour mon frère) ; Orkun (Merci) ; Soksabaï (Comment vas-tu ?) – les Khmers sont toujours heureux de nous voir essayer de parler leur langue et nous aident avec le sourire. C’est peut-être ce qui m’a d’ailleurs le plus marqué ici, tout le monde sourit, ou du moins le rend. Les Cambodgiens sont espiègles et plein d’humour, rendant le contact des plus faciles.

    Je me suis évadée un après-midi de Siem Reap afin de visiter une Lotus Farm, située à quelques kilomètres de la ville. On y cultive le lotus dans une éthique de commerce équitable. Les fleurs sont utilisées pour faire du thé (les pétales) et le pistil sert à aromatiser le café. Les tiges sont la ligne directrice du projet de l’entreprise bio-textile Samatoa, puisqu’on en façonne du fil utilisé pour créer des vêtements de luxe. Trop fragile pour l’industrialisation, les méthodes traditionnelles de tissage sont utilisées, faisant ainsi perdurer cette technique ancestrale et créant de nombreux emplois, pour les villageoises notamment.

    Champs de lotus

     Champs de lotus

     

    J’emménage demain dans ce qui sera ma maison pour les trois mois à venir.

     

    A suivre…


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